La Swiss Blockchain Federation (SBF) est préoccupée par la communication sur la surveillance de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) concernant les stablecoins. L’identification systématique de tous les utilisateurs, exigée par la FINMA, ne repose sur aucune base légale apparente. Les exigences de la FINMA rendent impossible l’émission de stablecoins compétitifs par des émetteurs suisses. De plus, la communication de la FINMA a été publiée sans préavis et sans consultation préalable des parties concernées.
Berne, le 13 août 2024 – Le 26 juillet 2024, la FINMA a publié une communication sur la surveillance « Stablecoins : risques et exigences pour les émetteurs de stablecoins et les banques garantes » (06/2024). Cette dernière suscite de vives inquiétudes et des critiques au sein du secteur de la blockchain. En effet, la FINMA va bien au-delà de la pratique actuelle, d’ores et déjà critiquée par l’industrie.
Dans cette communication, la FINMA estime que les émetteurs de stablecoins doivent enregistrer tous les détenteurs de stablecoins en tant que clients et surveiller leurs transactions. Les stablecoins sont des moyens de paiement électroniques. Aujourd’hui, la pratique pour les moyens de paiement consiste à vérifier la contrepartie uniquement lors de l’émission et du rachat. Contrairement à cette pratique et aux usages internationaux, la FINMA construit désormais, en raison de l’existence d’une créance entre le détenteur de stablecoins et l’émetteur de stablecoins, une « relation d’affaires permanente » et donc une relation client au sens de la loi sur le blanchiment d’argent. Ainsi, toutes les personnes détenant des stablecoins doivent être identifiées par l’institut émetteur ou par des intermédiaires financiers supervisés, à l’aide d’une copie de passeport vérifiée ou d’autres documents officiels.
Selon l’avis de la Swiss Blockchain Federation, il n’est pas possible de justifier une telle exigence par la législation actuelle sur le blanchiment d’argent. Qualifier la détention temporaire d’un stablecoin de « relation d’affaires permanente » avec l’émetteur dépasse de loin ce qui serait raisonnable au regard des dispositions concernées. La FINMA ne dispose donc pas d’une base légale suffisante pour cette pratique.
L’interprétation des conditions régissant la lutte contre le blanchiment d’argent, défendue par la FINMA, va bien au-delà de ce que demandent les organes de régulation internationaux et d’autres pays. Ni l’Union européenne, ni Singapour, Hong Kong, le Japon ou les États-Unis n’exigent l’identification de tous les intermédiaires d’un stablecoin ni la restriction de sa transférabilité. La Financial Action Task Force (FATF), le principal organisme international en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, ne le requiert pas non plus. Il y a de bonnes raisons à cela : les stablecoins, ne pouvant être transférés qu’entre clients d’une seule institution, ne sont pas appropriés en tant que moyen de paiement.
Si cette pratique de la FINMA devait se confirmer, l’émission de stablecoins depuis la Suisse serait pratiquement impossible, car les restrictions imposées par la FINMA ne permettraient pas de mettre en place un modèle économique viable. Les émetteurs suisses de stablecoins seraient alors contraints de réaliser leur projet à l’étranger. S’ils le mettent en œuvre dans un État membre de l’Union européenne, ils seront soumis à une réglementation spécifique et pourront proposer le stablecoin librement dans l’ensemble de l’Espace économique européen (EEE). De plus, ils pourront également distribuer le stablecoin en Suisse sans aucune restriction, à condition de ne pas avoir de présence physique permanente dans le pays, notamment en n’employant pas de personnel local.
La SBF est également étonnée que la FINMA ait renoncé aux droits de participation légalement établis (art. 7, al. 4 LFINMA) et n’ait pas consulté les parties concernées. La SBF milite depuis des années pour un dialogue constructif avec les autorités, dans le but d’assurer la stabilité à long terme de la place financière et de renforcer le rôle pionnier, la compétitivité et l’avenir du secteur blockchain en Suisse.
Qu’est-ce que les stablecoins ?
Pour exploiter le potentiel des applications basées sur la technologie des registres distribués (DLT), il est nécessaire de disposer de moyens de paiement numériques permettant des transactions dans une monnaie officielle comme le franc suisse, l’euro ou le dollar américain. Les stablecoins sont des monnaies numériques couvertes par des dépôts ou des instruments financiers en monnaie officielle, ce qui leur confère une valeur relativement stable par rapport à la monnaie de référence. Contrairement aux cryptomonnaies, qui sont inadaptées aux transactions en monnaies officielles en raison de leur forte volatilité, les stablecoins jouent un rôle central dans la finance décentralisée et dans de nombreuses autres applications de la blockchain.