La Swiss Blockchain Federation plaide pour une orientation stratégique claire en matière de finance numérique
Prise de position sur la révision de la LEFin : 14 points clés pour une réglementation compétitive des services de paiement et des services liés aux cryptomonnaies
Berne, le 9 décembre 2025 – Récemment, la Suisse a perdu un terrain considérable dans le domaine des technologies financières innovantes, réduisant ainsi une grande partie de son avance initiale. La Swiss Blockchain Federation (SBF) salue donc la révision par le Conseil fédéral de la loi sur les établissements financiers (LEFin), visant à créer un cadre compétitif pour les stablecoins. Dans sa prise de position publiée ce jour, la SBF appelle à un engagement clair en faveur du renforcement de la place financière suisse et soumet des propositions concrètes.
Le paquet LEFin, soumis à consultation le 22 octobre 2025, comprend quatre éléments :
- La licence dite FinTech (art. 1b de la loi sur les banques), en vigueur depuis 2019, sera transférée dans la LEFin en tant qu’autorisation pour les établissements de paiement.
- Le cadre juridique des stablecoins s’appuiera sur ce dispositif.
- Le dépôt collectif d’actifs cryptographiques et autres services seront couverts par une nouvelle autorisation pour les établissements de cryptoactifs.
- Les services liés aux cryptomonnaies seront désormais soumis à des obligations de diligence similaires à celles des prestataires de services financiers ; des obligations de transparence s’appliqueront à l’offre publique de certains actifs cryptographiques ou à leur admission à la négociation.
Cette prise de position a été rédigée par un groupe de travail de la Swiss Blockchain Federation (SBF), en étroite collaboration avec les trois associations Crypto Valley Association (CVA), Swiss Fintech Association (SFTA) et Capital Markets and Technology Association (CMTA). Le groupe de travail reconnaît que la proposition constitue une base appropriée pour le développement ultérieur du cadre juridique applicable aux services de paiement et aux services liés aux cryptoactifs. Parallèlement, la déclaration identifie 14 points nécessitant des éclaircissements et des précisions, et formule des propositions concrètes à cet égard.
Absence de vision pour la place financière du futur
« La direction est la bonne. Le Conseil fédéral démontre qu’il prend au sérieux les réalités du marché financier numérique, déclare Heinz Tännler, Président de la Swiss Blockchain Federation (SBF). Toutefois, le projet reste flou concernant un certain nombre de points essentiels. Sans directives cohérentes et sans vision claire, la Suisse risque de perdre du terrain dans la compétition internationale. »
La prise de position critique l’absence de vision stratégique. Les associations demandent que la proposition renforce en priorité la compétitivité de la place financière suisse. Une telle vision devrait s’appuyer sur les atouts de la Suisse, notamment sur :
- un niveau élevé de sécurité juridique,
- un haut degré de participation institutionnelle dans le secteur des cryptomonnaies,
- et l’autorégulation.
Les associations soulignent par ailleurs que le secteur financier mondial est en pleine mutation. Les technologies innovantes telles que l’intelligence artificielle, la technologie des registres distribués (DLT) et l’identité numérique transforment la création, la distribution et la gestion des services et produits financiers.
Les stablecoins et les dépôts bancaires tokenisés vont devenir des composantes essentielles des transactions financières du futur. « Le droit suisse doit faciliter ces évolutions fondamentales, et non les empêcher. Il serait catastrophique que notre pays passe à côté de ces avancées en raison d’obstacles prudentiels », commente Hans Kuhn, responsable du groupe de travail de la SBF.
La SBF salue la proposition de renforcer la protection des clients des start-up de la fintech ainsi que la suppression du plafond pour l’acceptation de dépôts du public. Parallèlement, la Fédération met en garde contre une éventuelle extension du périmètre de surveillance des établissements de paiement qui n’étaient jusqu’à présent pas réglementés ou seulement soumis à la loi sur le blanchiment d’argent. Ces modèles économiques sont essentiels et comprennent les services de paiement pour les commerçants, les systèmes de bons cadeaux ou de bons d’achat, les programmes de bonus/points/rabais, les systèmes de chèques vacances et repas, ainsi que les services d’acquisition et diverses formes de services de compensation. Rien ne justifie une réglementation prudentielle de ces modèles d’affaires.
Émission de stablecoins enfin possible
La révision de la LEFin crée un cadre permettant enfin l’émission de stablecoins depuis la Suisse. Les stablecoins sont des monnaies virtuelles qui sont adossées à une monnaie officielle (par exemple le dollar américain ou l’euro) grâce à un mécanisme de stabilisation. Les stablecoins ont récemment connu une croissance fulgurante, notamment dans la zone dollar. On peut s’attendre à ce que les stablecoins joueront un rôle central dans les opérations de paiement et le système financier, y compris dans d’autres devises.
Les associations saluent expressément le fait que les risques de blanchiment d’argent puissent être gérés, entre autres, par le blocage d’adresses sanctionnées (« liste noire »), mais exigent que cette réglementation s’applique à tous les types de stablecoins. De plus, elles mettent fermement en garde contre l’autorisation d’un seul type de stablecoin, car cela freinerait considérablement l’innovation.
Les associations critiquent également la proposition selon laquelle les banques ne seraient autorisées à émettre des stablecoins que par l’intermédiaire d’un établissement de paiement distinct. Compte tenu du rôle clé des banques dans les transactions financières, ces associations ne voient aucune justification objective à une telle exigence.
Moins de restrictions, mais une réglementation graduelle fondée sur le risque
Les associations posent un regard plus critique sur la proposition de réglementation des établissements de cryptomonnaies. Cette réglementation devrait s’appuyer sur le cadre actuellement en vigueur pour les maisons de titres. Un tel dispositif pourrait entraîner une forte consolidation du marché, similaire à ce qui s’est produit dans l’UE où, suite à la mise en œuvre intégrale du règlement MiCAR, seuls 150 à 300 des 3’000 prestataires de services crypto d’origine subsistent.
Dans ce contexte, les associations proposent une réglementation graduelle, fondée sur l’importance des instituts de cryptoactifs : seuls les établissements les plus grands et d’importance systémique devraient être soumis à la supervision directe de la FINMA, tandis que les petits prestataires, comparables aux gestionnaires de fortune, seraient supervisés par des organismes de surveillance reconnus.
Besoin d’action urgente de la part de la FINMA
Enfin, les associations soulignent l’urgence d’agir concernant les procédures d’autorisation de la FINMA, jugées beaucoup trop longues et opaques. Elles craignent que la nouvelle réglementation ne soit inefficace dans la pratique en l’absence de telles améliorations. Elles proposent donc que, de manière générale, les procédures d’autorisation soient menées à bien dans les six mois suivant le dépôt d’un dossier complet. « Nous avons besoin de règles technologiquement neutres, adaptées aux risques et compatibles au niveau international, et d’une FINMA qui applique ces exigences de manière fiable et transparente », déclare Hans Kuhn.
Les 14 propositions d’amélioration du groupe de travail de la SBF
Les 14 points suivants résument les domaines où le groupe d’experts juge indispensable de procéder à des ajustements. Ils visent à instaurer une sécurité juridique, à éviter les doublons, à corriger les éléments inapplicables et à garantir que l’innovation ne soit pas freinée par d’inutiles obstacles réglementaires. Ces points s’appuient sur une analyse approfondie menée par les associations professionnelles et reflètent les principales inquiétudes du secteur.
- Il n’est pas clair si le périmètre réglementaire de la licence pour les établissements de paiement s’étend au-delà de celui de l’actuelle licence pour les fintechs. Les associations s’opposent fermement à l’inclusion des prestataires de services de paiement qui n’étaient jusqu’à présent soumis qu’à la surveillance en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Ces modèles économiques sont d’une importance capitale et comprennent, par exemple, les services de paiement pour les détaillants, les systèmes de bons cadeaux ou de bons d’achat, les programmes de bonus/points/rabais, les systèmes de chèques vacances ou repas, ainsi que les services d’acquisition et les diverses formes de services de compensation.
- L’établissement de paiement (à l’instar des fintechs au sens de l’article 1b de la loi sur les banques) présente un profil de risque limité aux risques opérationnels. Les associations appellent donc à une réglementation strictement fondée sur les risques et rejettent tout durcissement des exigences prudentielles existantes.
- Les banques devraient être autorisées à émettre directement des stablecoins sans avoir à créer un jeton de paiement. L’obligation de recours à la sous-traitance entraîne des complications sans offrir de sécurité accrue.
- L’émission d’autres jetons de paiement doit rester possible. Les exceptions prévues à l’art. 5 de l’Ordonnance sur les banques sont éprouvées et ne devraient pas être restreintes.
- L’interdiction des intérêts doit être formulée de manière plus précise, afin que les modèles de revenus non fondés sur les intérêts restent autorisés. Une définition trop restrictive nuirait aux pratiques de marché établies.
- Les exigences de couverture doivent rester réalisables, y compris la possibilité d’utiliser les comptes de règlement de la BNS. L’absence d’accès aux comptes de la BNS entraîne un désavantage structurel par rapport aux banques.
- En matière de lutte contre le blanchiment d’argent, il est nécessaire de disposer de bases légales claires, notamment concernant l’admissibilité du blacklisting (listes de blocage et d’exclusion). Les interprétations divergentes de la FINMA créent actuellement de l’incertitude et freinent l’accès au marché.
- Se baser sur le modèle des maisons de titres est inadéquat, les modèles des établissements fournissant des services sur cryptomonnaies présentant des risques et des processus spécifiques. La réglementation devrait prendre en compte ces différences.
- Le périmètre réglementaire doit se concentrer sur la conservation, tandis que les opérations de négoce pour le compte de clients et le market making ne devraient pas être automatiquement soumis à autorisation. Sans quoi, il existe un risque de rétrécissement inutile du marché.
- Un système de supervision à deux niveaux est pertinent, avec un organisme de supervision pour les petits établissements (organismes d’autoréglementation, OAR) et la FINMA pour les grands établissements. Cela allège la charge de la FINMA et garantit une surveillance proportionnée.
- Les obligations de diligence raisonnable ne devraient s’appliquer qu’aux cryptoactifs présentant un caractère d’investissement. Un élargissement à l’ensemble des jetons ne trouverait pas de justification concrète et imposerait une charge disproportionnée aux PME.
- L’obligation de publier un White Paper devrait être définie de manière plus claire et appliquée de façon plus large, afin de garantir la transparence, sans déclencher des obligations de prospectus inutiles.
- La surveillance consolidée des participations étrangères est inutile et complique l’investissement dans les prestataires suisses. Elle n’est pas conforme aux pratiques internationales et constituerait un désavantage pour la place financière suisse.
- Les procédures d’autorisation de la FINMA doivent être plus rapides et plus contraignantes, avec des critères et des délais clairs. Les procédures actuelles, longues et difficilement planifiables, sont régulièrement critiquées et freinent l’innovation.
La prise de position complète sur la révision de la LEFin est disponible ici.



